La sortante, Michaëlle Jean, canadienne d'origine haïtienne, élue il y a quatre ans, passera la main à une Africaine soutenue par la France. La cheffe de la diplomatie rwandaise, 57 ans, devient ainsi la deuxième femme à diriger l'OIF.
Malgré la polémique suscitée par sa candidature, Louise Mushikiwabo accède à la tête de la Francophonie après avoir dirigé neuf ans durant la diplomatie de son pays, le Rwanda. La politique de main de fer peu scrupuleuse à l'égard des droits humains menée par son président Paul Kagamé (au pouvoir depuis 2000 après avoir été vice-président pendant 6 ans) est souvent dénoncée malgré les résultats économiques flatteurs. De plus, le Rwanda a implicitement tourné dos à la langue française après le génocide de 1994 propulsant l'anglais aussi comme langue officielle au même titre que le kinyarwanda et puis l'année dernière le swahili.
Malgré ses reproches, l'affaire était en réalité pliée selon les observateurs depuis la caution du président français à la candidature de Louise Mushikiwabo. Une caution synonyme du rejet de la nouvelle candidature de la Canadienne qui finira par perdre aussi le soutien précieux de son propre Etat. Désavouée pour sa politique quatre ans durant aux commandes de la Francophonie, Michaëlle Jean a pourtant resisté, allant jusqu'au bout dans sa quête d'un nouveau mandat. Elle tenait surtout à défendre son bilan mais aussi à dire haut et fort que son adversaire vient d'un pays qui ne respecte pas les droits de l'homme. "Elle a peut être raison mais la réalité aujourd’hui est que c’est bien la candidature de son adversaire qui est portée par l’Union africaine et surtout, surtout par la France", observe Maurice Mahounon journaliste spécialiste des relations internationales à Radio Bénin :
"L’histoire récente de l’OIF nous enseigne que tous ceux qui ont été soutenus par Paris se sont retrouvés à la tête de l’OIF. De l’Egyptien Boutros Boutros Ghali à elle-même Michaëlle Jean en passant par l’ancien président sénégalais Abdou Diouf, tous sont devenus patrons de l’Organisation internationale de la Francophonie grâce à la France."
Mais Michaëlle Jean n'a pas mâché ses mots dans son discours au premier jour du sommet, jeudi, évoquant des "petits arrangements" par les Etats au détriment des valeurs démocratiques :
Sommes-nous prêts à accepter que la démocratie, les droits et les libertés soient réduits à de simples mots que l’on vide de leur sens au nom de la réal politique, de petits arrangements entre États, ou d’intérêts particuliers alors que cette aspiration légitime à plus de liberté, plus de justice, plus de dignité, plus d’égalité est une aspiration universelle ?
Louise Mushikiwabo a désormais quatre ans pour donner de la matière aux analystes pour répondre à cette question. Mais déjà, on vit peut-être "la mort de la Francophonie politique" selon Maurice Mahounon.